samedi 10 septembre 2011

Faster, better, cheaper

En 1992, Daniel Goldin, le nouvel administrateur de la NASA, lançait le programme Faster, better, cheaper (« plus vite, mieux et moins cher ») avec comme objectif de réaliser des missions spatiales pour le prix d’un blockbuster hollywoodien. Cinq ans plus tard, Mars Pathinder explorait la planète rouge pour 200 millions de dollars, soit 6 % du budget de la mission Viking, vingt ans plus tôt.

La victoire militaire en Libye a été acquise, pour la France, pour le prix et une durée équivalents à la réalisation de Pirates des Caraïbes 3 et avec autant de pertes humaines. Par comparaison, de 1992 à 1995 en Bosnie, la tentative de réussir la même mission (protéger la population civile) par interposition de « casques bleus » les moins armés possibles afin de « tirer la violence vers le bas », coûtait la vie à 52 de nos soldats et l’équivalent de presque deux milliards d’euros.

Comme pour la NASA, il suffit parfois de voir les choses autrement pour redonner de l’efficacité aux armes. On aurait pu effectivement imaginer un déploiement neutre et impartial entre la population rebelle et l’armée de Kadhafi, associé à une aide humanitaire et une incitation à négocier. Cela a été évoqué, notamment pour Misrata. De manière assez psychanalytique, le refus plus ou moins avoué de l’engluement de troupes au cœur des populations (le Ça stratégique), le cadrage de l’action par la Résolution 1973 du Conseil de sécurité, forme moderne de déclaration de guerre qui limite l’objet et l’emploi des forces armées (le Surmoi) ne laissait guère d’autre choix au Moi que l’action indirecte. Celle-ci, faite de feux à distance puis d’un soutien matériel ou immatériel (conseils) de plus en plus important à la rébellion, s’est ainsi avérée plus efficace que l’inaction directe. Cette méthode semble donc promise à un bel avenir.

Il faut néanmoins se méfier d’une trop grande confiance dans cette approche, comme dans toute approche d’ailleurs. La décision se fait toujours au sol lorsque quelqu’un plante son drapeau sur le centre de gravité de l’adversaire. La victoire dépend donc largement des alliés locaux que l’on a choisi d’appuyer et de soutenir. Ils sont généralement moins compétents que l’adversaire (sinon ils n’auraient pas besoin d’aide) et en fonction du décalage à combler entre les deux camps la tâche est plus ou moins difficile. Si on ne parvient pas à combler ce décalage, la décision est impossible à obtenir.

Jusqu’à la prise de Kaboul le 14 novembre 2001, l’appui indirect aux seigneurs de la guerre de l’Alliance du Nord donne des résultats remarquables. Après cette date, la méthode est beaucoup moins efficace du fait de l’adaptation des forces ennemies aux frappes aériennes et surtout de la réticence des hommes de l’Alliance du nord à s’engager dans les provinces pashtounes. Les américains font donc appel à d’autres hommes forts locaux qui s’avèrent beaucoup moins fiables. Au bilan, les principaux leaders adverses ont pu s’échapper et reconstituer leurs forces au Pakistan.

Il est donc nécessaire pour être efficace, d’être capable de frapper à distance et donc de disposer soit de bombardiers à long rayon d’action, soit de bases proches fixes ou mobiles proches du théâtre d’opérations. Il faut aussi coordonner son action avec celle des forces au sol et donc d’être capables aussi de projeter une force de conseil et de coordination à la manière des OMLT  afghans ou des A-Teams des bérets verts américains. Des capacités de raids, pas forcément par des forces spéciales, sont indispensables ne serait-ce que pour récupérer des pilotes éjectés. Enfin, généralement, plus l’intervention arrive tôt dans la crise et plus elle est efficace selon le principe de la calebasse d’eau qui éteint le début d’incendie.

Encore un effort et nous retrouverons l’efficacité des opérations « corsaires » de la fin des années 1970 à l’époque ou l’intervention « à la française » faisait l’admiration. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire